Le secret de Socrate

par Dale Carnegie -1938- dans "Comment se faire des amis pour réussir dans la vie"

 

 

Quand vous voulez convaincre votre auditeur, évitez, dès le début de la conversation, de soulever les questions sur lesquelles vous et lui ne vous entendez pas. Appliquez-vous, au contraire jusquà la fin, à souligner les points sur lesquels vous êtes tous les deux du même avis. Autant que possible, essayez de montrer que vous travaillez ensemble au même but, et que vous différez seulement quant aux moyens d'y parvenir.

Tâchez d'amener cet homme à dire : « Oui, oui » le plus tôt possible. Faites qu'il n'ait pas à prononcer de "non".

"Une réponse négative, déclare le professeur Over-street dans son livre Comment influencer la Conduite humaine, une réponse négative est un obstacle difficile à surmonter. Quand une personne a dit « non », tout son orgueil exige qu'elle garde une attitude constante, qu'elle continue à dire " non " . Comprend-elle plus tard que ce " non " était injustifié?  Tant pis ! Elle ne peut se rétracter : elle doit ménager avant tout son précieux amour-propre. Voilà pourquoi il est extremement important de lancer, dès le début, votre interlocuteur dans la bonne direction : celle des acquiescements."

Ces réponses affirmatives entraînent la pensée de votre interlocuteur sur une pente favorable. Le phénomène rappelle le mouvement de la boule de billard : une fois lancée, celle-ci ne peut être déviée de sa route que par une notable résistance, et il faudrait une force bien plus grande pour la rejeter en arrière. "Quand une personne dit"non" sincèrement avec conviction, elle fait plus qu'articuler un mot de trois lettres. Tout son organisme — ses glandes, ses nerfs, ses muscles — se contractent en une attitude de refus. On observe à un degré généralement faible, mais parfois perceptible, une sorte de rétraction physique. Tout l'être est sur la défensive, tout le système neuro-musculaire se met en garde contre le consentement.

"Au contraire, quand la personne dit "oui", son organisme prend une attitude réceptive, consentante. Par conséquent, plus nous parviendrons à conquérir de « oui » et mieux nous réussirons à mettre notre auditeur dans une humeur favorable à notre proposition. "

N'est-ce pas une bien simple technique que celle-ci : poser des questions qui amènent irrésistiblement une réponse affirmative ? Et, pourtant, combien elle est négligée ! On croirait que les gens fortifient en eux le sentiment de leur importance en irritant les autres. Voyez le député extrémiste : il ne peut se trouver dans une réunion avec ses concitoyens du parti conservateur sans immédiatement les rendre furieux. Pourquoi agit-il ainsi? S'il trouve dans cette attitude une satisfaction personnelle, on pent encore l'excuser. Mais s'il espère, par ce moyen, obtenir quelque résultat ou quelque profit, il se montre bien piètre psychologue.

Si, par malheur, vous avez, dès le début de l'entretien, provoqué un « non » de la part de votre enfant, de votre client, de votre élève ou de votre épouse, il veux faudra ensuite la sagesse et la patience d'un ange pour transformer cette négation en affirmation.

C'est par cette méthode des "acquiescements préparatoires" si je puis dire, que Mr. James Eberson, caissier de banque, évita à sa maison la perte d'un client.

« J'avais remis, dit-il, à un monsieur qui désirait ouvrir un compte à notre banque la formule d' usage à remplir. Il répondit à quelques-unes des questions, puis refusa tout net de répondre aux autres.

« Avant d'avoir étudié la psychologie, j aurais fait observer à ce futur client que, "s'il ne fournissait pas « les renseignements désirés, nous ne poumons accepter « son dépôt.... » D'ailleurs, je me souviens, à ma grande honte, d'avoir jadis commis pareille faute ; naturellement, j'avais pris un certain plaisir à formuler cet ultimatum : j'avais prouvé que j'étais le maître et qu'on ne badinait pas avec les règlements de ma maison ! Malheureusement, je ne m'étais guère soucié de ce que pensait le client, qui était en droit d'attendre un accueil plus empressé et plus flatteur de la banque où il était venu apporter son argent.

« Ce jour-là, je résolus d'agir avec un peu plus de bon sens : j'allais éviter de penser à ce que nous voulions, nous, pour me concentrer sur les désirs du client, et, par-dessus tout, lui faire dire : « Oui, oui » dès le début. En conséquence, je déclarai que les détails qu'il refusait d'inscrire n'étaient pas absolument nécessaires.

 

«—Cependant, continuai-je, supposons que vous veniez à disparaître subitement en laissant des fonds à votre banque, n'aimeriez-vous pas que cet argent fût transféré à votre parent le plus proche ?

"— Mais si, certainement, admit-il."

"—Dans ces conditions, ne croyez-vous pas qu'il serait prudent de nous indiquer le nom de ce parent pour nous permettre, en cas de malheur, d'exécuter vos désirs sans erreur niretard ?»

" Là aussi il dit « oui ».

" Peu à peu il s'adoucit, en voyant que nous lui demandions ces renseignements non par curiosité, mais dans son propre intérêt. Non seulement il fournit tous les détails désirés, mais encore, sur mon conseil, il nous confia la gestion de son portefeuille.

« En lui faisant dire : « Oui, oui » dès le commencement, je lui avais fait oublier le but ultime de notre entretien et je l'avais amené à faire de bon cœur tout ce que je lui demandais. »

« Depuis bien longtemps, nous confiait Joseph Allison, représentant de la Société Westinghouse, j'essayais vainement d'obtenir la clientèle d'une grosse maison. Enfin, après treize années d'efforts et de visites répétées, je parvins à ébranler la résistance du directeur technique et à lui vendre quelques moteurs.

« Si ces machines donnaient satisfaction, je savais qu'il y aurait par la suite une nouvelle commande de sept cents moteurs.

« J'étais absolument certain que nos mécaniques étaient parfaites. Aussi, lorsque je me présentais chez mon client trois semaines plus tard, j'avais le sourire...

 

« Mais ce sourire disparut bientôt de mon visage, car le directeur m'accueillit par cette annonce renversante :

« — Allison, je ne puis vous prendre le reste des moteurs.

«—Pourquoi? m'exclamai-je stupéfait, mais pourquoi ?

« —Parce qu'ils chauffent trop, on se brûle la main en les touchant. »

Je savais qu'il serait vain de discuter ; je connaissais trop les inconvénients de cette méthode. J'essayai la méthode des acquiescements.

J'annonçai :

« — Mr. Smith, je suis tout à fait d'accord avec vous ; si ces moteurs chauffent trop, vous ne devez plus nous en commander. Il vous faut des moteurs dont la température n'excède pas les limites établies par l'Association Nationale des Fabricants de Fournitures électriques, n'est-ce pas vrai ?

Il le reconnut. Je tenais mon premier "oui ".

"—Les règles de cette Association stipulent qu'un moteur bien conçu peut normalement atteindre une température supérieure de 22° à celle de l'atelier. C'est exact?   

«—Oui, admit-il, c'est exact. Mais vos moteurs chauffent beaucoup plus que cela. »   

« Je ne relevai pas sa remarque. Je m'enquis simplement de la température de l'atelier.

« — La température de l'atelier ? Oh ! a peu près 24°.

« — Bon ! Ajoutez 22° à ces 24°, et vous obtiendrez un total de 46°. Ne craindriez-vous pas de vous ébouillanter si vous mettiez votre main sous un robinet d'eau à 46° ? »

« Encore une fois, il dut dire "oui ".

« Je conclus alors doucement :      

«— II serait peut-être préférable d'éviter de toucher ces moteurs....                       

« — Ma foi, je crois que vous avez raison », avoua-t-il.

« Nous continuâmes à bavarder pendant un moment. Puis il appela sa secrétaire et me remit une commande dont le montant s'élevait à 35 ooo dollars !

« II m'en a coûté des années de ma vie, sans parler des milliers de dollars en affaires manquées, avant que j'aie pu comprendre la futilité de toute discussion ; il est beaucoup plus profitable, et beaucoup plus intéressant, de se placer au point de vue de notre adversaire et de l'amener à dire : « Oui, oui. »

Socrate a accompli ce que bien peu d'hommes ont réalisé à travers les âges : il a institué une philosophie nouvelle, et aujourd'hui, vingt-trois siècles après sa mort, il est honoré comme un des plus subtils psychologues qui aient jamais influencé notre univers tourmenté.                  

Quelle était sa méthode ? Disait-il à ses voisins qu'ils avaient tort ? Oh ! non ! Pas lui. Il était bien trop adroit pour cela. Toute sa technique — maintenant appelée « méthode socratique » — consistait à poser des questions auxquelles son adversaire ne pouvait que répondre affirmativement. L'un après l'autre, il emportait toute une série d'acquiescements. Et ainsi, de question irrésistible en réponse affirmative, il entraînait son interlocuteur vers une conclusion que celui-ci eût repoussée violemment quelques instants auparavant.

La prochaine fois que la langue nous démangera d'annoncer triomphalement à notre voisin qu'il se trompe, souvenons-nous du vieux Socrate, et formulons alors modestement une question — une question qui nous apportera un « oui ».

Les Chinois ont un proverbe qui contient toute la sagesse du vieil Orient :

« Celui qui marche doucement va loin. »

Si vous voulez gagner les gens à votre manière de voir, suivez la règle suivante:

Amenez votre adversaire à répondre "oui" dés le début de l' entretien.

 

 Merci d'être venu vous promener dans mon jardin,

j'espère qu'il vous aura procuré bonheur, détente et certains enrichissements...

Si les textes de DALE CARNEGIE vous plaisent faites le moi savoir,

en écrivant ici   je me ferai un plaisir de poursuivre la série...!

 

 

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